Obsessions et phobies; leur méchanisme psychique et leur étiologie 1895-002/1922
  • S.

    ME

    Obsessions et phobies. -
    écanisme psychique et leur ćtiologie').

    commencerai par contester deux assertions, qui se trou-
    uvent répétées sur le compte des syndromes: ,obsessions
    8% II faut dire: ⑩ qu’ils ne se rattachent pas à la
    thénie propre, puisque les malades atteints de ces sym-
    nt aussi souvent des neurasthéniques que non; 2° qu’il
    as justifié de les faire dépendre de la dégénération
    ‘parce qu'ils se trouvent chez de personnes pas plus
    érées que la plupart des névrosiques en général, parce
    s'amendent quelquefois et qu'on parvient méme see
    EO = >

    ère dans un certain nombre de cas, et qui, je Tis bak;
    treront de même dans bon nombre de cas nouveaux. |

    d'obsessions intenses, qui ne sont autre chose que des
    , des images non altérées d’événements importants. Je
    ai, par exemple, lobsession de Pascal qui croyait toujours |
    un abime à son côté gauche, „depuis qu'il avait manqué .
    cipité dans la Seine avec son carrosse“. Ces obsessions.

    ⑨ Revue neurologique, III, 1895. / t .
    a Je suis trčs content de trouver que les auteurs les plus récents-
    sujet expriment des opinions voisines de la mienne. Voir: Gé- |
    Des peurs maladives oit phobies, 1894, ot Hack Tuke, On impera- —

    Brain, 1894, s-« D E

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    et. phobies, qu'on pourrait nommer traumatiques, se rattachent
    aux symptômes de l’hystérie. =
    Ce groupe a part il faut distinguer: A) les obsessions
    vraies; B) les phobies. La difference essentielle est la suivante.
    Il y a dans toute obsession deux choses: 1° une idee qui
    s'impose au malade; 2° un état émotif associé. Or, dans la
    classe des phobies, cet état émotif est toujours Vangoisse, pen- |
    dant que dans les obsessions vraies ce peut être au même titre
    que Vanxiété un autre état émotif, comme le doute, le remords,
    la colère. Je tâcherai d’abord d'expliquer le mécanisme psycho-
    logique vraiment remarquable des obsessions vraies, qui est bien
    différent de celui des phobies. 2

    т
    2

    Dans beaucoup d'obsessions vraies, il est bien évident que
    Vétat émotif est la chose principale, puisque cet état persiste
    inaltéré pendant que l’idée associée est variée. Par exemple, la
    fille de l’observation I, avait des remords, un peu en raison de
    tout, d'avoir volé, maltraité ses sœurs, fait de la fausse monnaie,
    etc. Les personnes qui doutent, doutent de beaucoup de choses
    à la fois ou successivement. C’est l’état émotif qui, dans ces
    cas, reste le même: l’idée change. En d’autres cas l’idée aussi
    semble fixée, comme chez la fille de l’observation IV, qui pour-
    suivait d'une haine incompréhensible les servantes de la maison
    en changeant pourtant de personne.

    Eh bien, une analyse psychologique scrupuleuse de ces
    cas montre que l’état émotif, comme tel, est toujours justifié. La
    fille T, qui a des remords, a de bonnes raisons; les femmes de
    Tobservation III qui doutaient de leur résistance contre 8
    tentations savaient bien pourquoi; la fille de l'observation IV,
    qui détestait les servantes, avait bien le droit de se plaindre
    etc. Seulement, et c'est dans ces deux caractéres que consiste
    l'empreinte pathologique: 1) l’état émotif s’est éternisé, 2) l'idée
    associée: west plus l'idée juste, l’idée originale, en rapport avec
    Teliologie de Vobsession, elle en est un remplaçant, une substitution.

    < Та preuve en est qu'on peut toujours trouver dans les anté-
    cédents du malade à l'origine de l'obsession, l'idée originale, sub-
    stituée. Les idées substituées ont des caractères communs, elles

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    correspondent à des impressions vraiment pénibles de la vie
    sexuelle de l'individu que celui-ci s'est efforcé d'oublier. Il a
    ‘réussi seulement à remplacer l’idée inconciliable par une autre
    ‘idée mal appropriée à s'associer à l'état emotif, qui de son
    côté est resté le même. C'est cette mésalliance de l’état emotif
    et de l’idée associée qui rend compte du caractère d’absurdité
    propre aux obsessions. Je veux rapporter mes observations, et
    donner une tentative d’explication théorique comme conclusion.

    2 Obs. I. — Une fille qui se faisait des reproches, qu'elle savait ab-
    surdes, d'avoir volé, fait de la fausse monnaie, de s'étre conjurée, etc., selon
    sa lecture journalière.
    | Redressement de la substitution. — Elle se reprochait l'onanisme qu'elle
    pratiquait en secret sans pouvoir y renoncer.

    Elle fut guérie par une observation scrupuleuse qui l'empécha de se
    masturber.

    Obs. II. — Jeune homme, étudiant en médecine, qui souffrait d'une
    obsession analogue. Il se reprochait toutes les actions immorales: d’avoir
    tué sa cousine, défloré sa sœur, incendié une maison, etc. Il parvint jusqu’à
    la nécessité de se retourner dans le rue pour voir s’il n’avait pas encore
    tué le dernier passant.

    Redressement de la substitution. — Il avait lu, dans un livre quasi-

    "médical, que l'onanisme, auquel il était sujet, abimait la morale, et il s'en
    était ému.

    3 Obs. III. — Plusieurs femmes qui se plaignaient de l'obsession de
    se jeter par la fenétre, de blesser leurs enfants avec des couteaux, ciseaux, etc.
    ー Redressement. — Obsessions de tentations typiques. ("étaient des fem-
    mes qui, pas du tout satisfaites dans le mariage, se débattaient contre les
    désirs et les idées voluptueuses qui les hantaient à la vue d’autres hommes.

    t Obs. IV. — Une fille qui parfaitement saine d'esprit et trés intelli-
    gente montrait une haine incontrôlable contre les servantes de la maison, qus

    _ S'était éveillée à l’occasion d'une servante effrontée, et s'était transmise de-
    puis de fille en fille, jusqu'à rendre le ménage impossible. C'était un senti-
    ment mélé de haine et de dégoüt. Elle donnait comme motif que les saleté-
    de ces filles lui gátaient son idée de l'amour.

    Redressement. — Cette fille avait été témoin involontaire d'un rendez,
    vous amoureux de sa mère, Elle s'était caché le visage, bouché les oreilles
    et s'était donné la plus grande peine pour oublier la scène, qui la dégoûtait
    et Paurait mise dans l'impossibilité de rester avec sa mère qu'elle aimaiti

    | tendrement. Elle y réussit, mais la colère, de ce qu'on lui avait souillé

    | Timage de l'amour, persista en elle, et cet état émotif ne tarda pas à s'as-
    socier l’idée d'une personne pouvant remplacer la mère.

    Obs. V. — Une jeune fille s'était presque complétement isolée en

    conséquence de la peur obsédante de l'incontinence des urines. Elle ne

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    pouvait plus quitter sa chambre ou recevoir une visite sans avoir uriné
    nombre de fois.

    Chez elle et en repos complet la peur n'existait pas. ⑧

    Redressement. 一 C'était une obsession de fentation ou de méfiance.
    Elle ne se méfiait pas de sa vessie mais de sa résistance contre une impul-
    sion amoureuse. L'origine de fobsession le montrait bien. Une fois, au
    théâtre, elle avait senti à la vue d’un homme qui lui plaisait une envie
    amoureuse accompagnée (comme toujours dans la pollution spontanée des
    femmes) de l'envie d'uriner. Elle fut obligé à quitter le théâtre, et de ce -
    moment elle était en proie à la peur d’avoir la même sensation, mais -
    l’envie d’uriner s’était substituée à l’envie amoureuse. Elle guérit com-
    plètement.

    Les observations énumérées, bien qu'elles montrent un
    degré variable de complexité, ont ceci de commun, que l’idée
    originale (inconciliable) est substituée par une autre idée, idée
    remplaçante. Dans les observations qui vont suivre maintenant,
    l’idée originale est aussi remplacée mais non par une autre
    idée; elle se trouve substituée par des actes ou impulsions qui
    ont servi à l’origine comme soulagements ou procédés protecteurs,
    et qui maintenant se trouvent en association grotesque avec un
    état émotif qui ne leur convient pas mais qui est resté le
    méme, et aussi justifié qu'à l'orgine.

    Obs. VI. — Obsession d'arithmomanie. 一 Une femme avait contracté
    le besoin de „compter toujours les planches du parquet, les marches de
    Vescalier, etc., ce qu’elle faisait dans un état d'angoisse ridicule.

    Redressement. — Elle avait commencé å compter pour se distiaire
    de ses idées obsédantes (de tentation). Elle y avait réussi, mais I'impulsion
    de compter Wetait substituée & l'obsession primitive.

    Obs. VII. — Obsession de „Griibelsucht* (folie de spéculation). Une
    femme souffrait d'attaques de cette obsession, qui ne cessaient qu'aux
    temps de maladie, pour y laisser la place à des peurs hypocondriaques. Le
    sujet de l'attaque était ou une partie du corps ou une fonction, par exemple,
    la respiration: Pourquoi faut-il respirer? Si je ne voulais respirer? cte.

    Redressement. — Tout d’abord elle avait souffert de peur de devenir

    - folle, phobie hypochondriaque assez commune chez les femmes non satis-

    faites par leur mari, comme elle était. Pour se garantir qu'elle n'allait pas
    devenir folle, qu'elle jouissait encore de son intelligence, elle avait com-
    mencé à se poser des questions, à s'occuper de problèmes sérieux. Cela la
    tranquillisait d’abord, mais avec le temps cette habitude de la spéculation
    se substituait à la phobie. Depuis plus de quinze ans des périodes de peur
    (pathophobie) et de folie de spéculation alternaient chez elle.

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    nes typiques de cette obsession, mais qui s'expliquaient bien simple- -
    | personnes avaient souffert ou souffraient encore d'obsessions
    “et la conscience que l’obsession les avait dérangées dans żoutes |

    de l'acte. Le doute est une conséquence bien logique de la prè-
    es obsessions. 5
    Obs. IX. — Folie du doute (hésitation). — La fille de l’obs. IV était

    ement dans sa toilette. Il lui fallait des heures pour nouer les
    de ses souliers ou pour se nettoyer les ongles de mains. Elle don-

    Fidée obsédante.

    js. X. — Folie du doute, crainte des papiers. — Une jeune femme,
    souffert des scrupules après avoir écrit une lettre, et qui dans

    ‎temps ramassait tous les papiers qu’elle voyait, donnait comme‏ כ
    ‎m l'aveu d'un amour que jadis elle ne voulait pas confesser. 5‏

    ‎a quelque bout de papier dans une minute pensive!). ・
    が Obs. XI. 一 Mysophobie. — Une femme qui se lavait les mains cent
    par jour et ne touchait les loquets des portes que du conde.
    Redressement. — C'était les cas de Lady Macbeth. Les lavages étaient

    ‎le regrettait avoir perdue. Elle se tourmentait de remords pour une
    lité conjugale dont elle avait décidé de chasser le souvenir. Elle se
    ait aussi les parties gónitales.

    ‎Quant à la théorie de cette substitution, je me con-
    ai de répondre à trois questions qui se posent ici:
    0 Comment cette substitution peut-elle se faire?

    ‎II semble qu'elle est l'expression d'une disposition psy-
    ue spéciale. Au moins rencontre-t-on dans les obsessions
    | souvent > 6 similaire, comme dans l'hystérie. Ainsi
    le malade de l'obs. IT me racontait que son père avait souffert

    ‎) Voir aussi la chanson. populaire allemande:
    Auf jedes weiße Blatt Papier möcht’ ich es schreiben: gk
    Dein ist mein Herz und soll es ewig, ewig bleiben.

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    de symptômes semblables. П me fit connaitre un jour un cousin
    germain avec obsessions et tic convulsif, et la fille de sa sœur,
    âgée de 11 ans, qui montrait déjà des obsessions Prov
    de remords)..

    2% Quel est le motif de cette substitution?

    Je crois qu’en peut l’envisager comme un acte de défense
    (Abwehr) du moi contre l’idée inconciliable. Parmi mes malades 」
    il y en a qui se rappellent l’effort de la volonté pour chasser
    l’idée ou le souvenir pénible du rayon de la conscience (V. les
    obs. III, IV, XI). En d'autres cas cette expulsion de l'idée
    inconcili ble s'est produite d'une manière inconsciente qui ma
    pas laissé trace dans la mémoire des malades. >

    8° Pourquoi état émotif associé à l'idée obsédante
    s'est-il perpétué, au lieu de s'évanouir comme les autres états
    de notre moi?

    On peut donner cette réponse en s'adressant à la théorie
    développée pour la genèse des symptômes hystériques par
    M. Breuer et moi"). Ici je veux seulement remarquer que, par
    le fait même de la substitution, la disparition de l'état émotif
    devient impossible.

    . IK

    A ces deux groupes d’obsessions vraies s’ajoute la classe
    des „phobies“, qu’il faut considérer maintenant. J'ai déjà men-
    tionné la grande différence des obsessions et des phobies; que
    dans les dernières l'état émotif est toujours l'anxiété, la peur.
    Je pourrais ajouter que les obse sions sont multiples et plus
    spécialisées, les phobies plutôt monotones et typiques. :

    Mais ce n’est pas une différence capitale.

    On peut discerner aussi parmi les phobies deux groupes,
    caractérisés par l’objet de la peur: 1° phobies communes: peur
    exagérée des choses que tout le monde abhorre ou craint un
    peu: la nuit, la solitude, la mort, les maladies, les dangers en
    général, les serpents, etc.: 2? phobies d'occasion, peur de con-
    ditions spéciales, qui n'inspirent pas la crainte à l'homme sain,
    par exemple l’agoraphobie et les autres phobies de la loco-
    motion, Il est intéressant à noter que ces dernières phohies ne

    = 1) Neurologisehes Zentralblatt, 1898, Nr. 1 und 2.

  • S.

    L'état émotif ici ne paraît que dans le cas de ces
    spéciales que le malade évite soigneusement. «
    mécanisme des phobies est tout à fait différent de
    obsessions. Ce n’est plus le règne de la substitution.
    dévoile plus par l'analyse psychique une idée incon-
    On ne trouve jamais autre chose que l’état
    anxieux, qui par une sorte d’élection a fait ressortir
    idées propres à devenir l'objet d'une phobie. Dans -
    e l'agoraphobie, etc. on rencontre souvent le souvenir
    d'angoisse, et en vérité ce que redoute le malade
    nement d’une telle attaque dans les conditions spéciales
    it ne pouvoir y échapper. - :
    ‘angoisse de cet état émotif, qui est au fond des phobies, |
    dérivé d'un souvenir quelconque; on doit bien se
    der quelle peut être la source de cette condition puis-
    lu système nerveux.
    Zh bien j'espère pouvoir démontrer une autre fois qu'il y
    de constituer une névrose spéciale, la mévrose anaieuse, -
    elle cet état émotif est le symptôme principal; je
    rai l'inumération de ses symptômes variés, et j'insisterai
    se qu'il faut différencier cette névrose de la neurasthénie, —
    aquelle elle est maintenant confondue. Ainsi les phobies —
    t de la névrose anziense, et elles sont presque toujours |
    mpagnées d'autres symptômes de la même série. s :
    névrose anxieuse est d'origine sexuelle, elle aussi, autant
    puis voir, mais elle ne se rattache pas à des idées
    le la vie sexuelle: elle n'a pas de mécanisme psychique,
    dire. Son étiologie spécifique est l’accumulation de la
    génésique, provoquée par l'abstinence ou irritation
    fruste (pour donner une formule générale pour

    sans satisfaction des fiancés, “de TVabstinence |

    "est dans de telles conditions extrémement Pd 3
    alement pa la femme dans la société actuelle, que se —

  • S.

    , Je ferai remarquer, comme conclusion, qu’il peut y avo
    combinaison de phobie et d'obsession propre, et même que c'est
    un événement très fréquent. On peut trouver qu’il y avait au
    commencement de la maladie une phobie développée comme sym-
    ptôme de la névrose anxieuse. L'idée qui constitue la phobie qui
    s’y trouve associée à la peur, peut être substituće par une autre -
    idée ou plutôt par le procédé protecteur qui semblait soulager la
    peur. L'obs. VI (folie de la spéculation) présente un bel exemple

    + de cette catégorie, phobie doublée d'une obsession vraie par sub-
    stitution. i