S.
3° Année. | “BO Janvier 1895. - № 9, :
SOMMAIRE DU Ne 2
I. — TRAVAUX ORIGINAUX. — Obsessions et phobies. Leur mécanisme phy-
sique et leur étiologie, par Sicu. FREUD ....................,(6תםמ10ל) — 33
Note de psychologie morbide comparée ; Immobilité du cheval, par Cu. FÉRE 38Pages
II. — ANALYSES. Anatomie pathologique :36) MALENCHINI. Étiologie des
méningites. 37) MIRCALI, Hydrocéphalies pyogénétiques. 38) POPOFF. Altérations
du système nerveux dans le choléra asiatique. 39) SCHULTZE. Réponse à Senator
sur l’ataxie héréditaire. 40) GUIZETTI. Anatomie pathologique de la maladie de
Friedreich. 41) GANGITANO. Syphilis de la moelle. 42) CENT. Altérations histo-
logiques dans les dégénérations secondaires. 43) COLLET. Compression de la
moelle par érithéliome de la dure-mère. 44) M: GLOGNER. Nerfs périphériques
| dans le-béri-béri. — Thérapeutique : 45) BECHTEREW. Hypnose comme
moyen thérapeutique. 46) BECHTEREW. Emploi des bromures et de l’adonis
vernalis-dans l’épilepsie. 47) Совтот. Traitement de l’épilepsie. 48) MOELI.
Traitement de l’épilepsie. 49) PETERSON. Soins à donner aux épileptiques.
50) BONDURANT. ‘Traitement médical de l'épilepsie chronique. 51) FERE. Le
(Chorisme ». 52) Masson. Mode d'action de la crâniectomie. 53) BYLE. Deux 8
de laminectomie. 54) RIGGS. Deux cas de laminectomie pour fracture avec com-
pression médullaire. 55) WALTHER. Spina-bifida. Opération ; guérison, 56) CESAR. |
Amputation des membres dans les anciennes paralysies infantiles............. 40III.— SOCIÉTÉS SAVANTES.— 57) BONNIER. La pariétale ascendante.58) DEJERINE
et AUSCHER. Sclérose combinée suivie d’autopsie. 59) SOUQUES et MARINESCO.
Dégénérescence ascendante de la moelle consécutive å la destruction de la queue
de cheval et du cône terminal. 60) Du TIL et J.-B. CHARCOT. Cas d'atrophie
musculaire spinale (Aran-Duchenne) suivi d'autopsie. 61) DEJERINE et VIALET.
Forme spéciale d'hémianopsie fonctionnelle dans la neurasthénie et la névrose _
traumatique. 62) LEVI. Forme hystérique de la maladie de Raynaud et de l’éry-
thromélalgie. 63) AUCHE et HoBBS, Myélite aiguë dans la variole. 64) NAGEOTTE.
La lésion primitive du tabes. 65) BALLET et ENRIQUEZ. Goître ANE par
injections sous-cutanées d'extrait ב1010סעץם6 ,........................'!'..... 52-56IV. — BIBLIOGRAPHIE. — 66) DEJERINE. Anatomie des centres nerveux.
+ 67) MOEBIUS. Contribution à l'étude de la neurologie. 65) BECHTEREW. Maladies
nerveuses. 69) CHIPAULT. Chirurgie crânio-cérébrale. 70) BOTTEY. Traité théo- |
rique et pratique Tar EU médicale. 71) OSLER. Chorée et affections
Choreiformes ගා a ås sa etg ZO ks TELA EA NO oW DRM A Suet ... 56-61V. — INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. ec 61-64
ot ORIGINAUX
OBSESSIONS ET PHOBIES. de DA
LEUR MECANISME PSYCHIQUE ET LEUR ÉTIOLOGIE-Par le Dr Sigm. Freud, de Vienne Anime |
Je commencerai par contester deux assertions, qui se trouvent souvent
répétées sur le compte des syndromes : « obsessions et phobies ». Il faut dire:
1º qu’ils ne se rattachent pas à la neurasthénie propre, puisque les maider
atteints de ces symptômes sont aussi souvent des neurasthéniques que non ;
2» qu'il n'est pas justifié de les faire dépendre de la dégénération mentale, parce
qu ‘ils se trouvent chez des personnes pas plus dégénérées que la plugar des
nevrosiques en général, parce qu ils s'amendent quelquefois et qu'on partent
méme quelquefois à les guérir (1).Les obsessions et les phobies. sont des névroses à part, d'un mécanisme
(1) Je suis trés content de trouver que les auteurs les plus récents sur notre sujet expri»
REVUE NEUROLOGIQUE, — III. | 3
S.
Me: | REVUE NEUROLOGIQUE
spécial et d'une étiologie que j'ai réussi á mettre en lumiére dans un certain
nombre de cas, et qui, je l'espère, se montreront de même dans bon nombre de
cas nouveaux. |Quant a la division du sujet je propose d'abord d’écarter une classe d'obses-
sions intenses, qui ne sont autre chose que des souvenirs, des images non altérées
d'événements importants. Je citerai, par exemple, l'obsession de Pascal qui
croyait toujours voir un abime a son côté gauche, « depuis qu'il avait manqué
d'étre précipité dans la Seine avec son carrosse ». Ces obsessions et phobies, qu’on
- pourrait nommer traumatiques, se rattachent aux symptômes de l'hystérie.Ge groupe à part il faut distinguer : A) les obsessions vraies; B) les phobies.
La différence essentielle est la suivante. -Il y a dans toute obsession deux choses : 1° une idee qui s’impose au malade ;
20 un état émotif associé. Or, dans la classe des phobies, cet état émotif est
toujours l’angoisse, pendant que dans les obsessions vraies ce peut être au
même titre que l'anxiété un autre état émotif, comme le doute, le remords, la
colère. Je tâcherai d’abord d’ expliquer le mécanisme pisc hulen vraiment
remarquable des obsessions vraies, qui est bien différent de celui des phobies.I
Dans beaucoup d'obsessions vraies, il est bien évident que l’état émotif est la
chose principale, puisque cet état persiste inaltéré pendant que l'idée associée
est variée. Par exemple, la fille de l’observation I, avait des remords, un peu
en raison detout, d’avoir volé, maltraité ses sœurs, fait de la fausse monnaie, etc.
Les personnes qui doutent, doutent de beaucoup de choses à la fois ou succes-
sivement. C'est l’état émotif qui, dans ces cas, reste le même : l'idée change. En
d’autres cas l’idée aussi semble fixée, comme chez la fille de l'abssevation IV,
qui poursuivait d'une haine incompréhensible les servantes de la maison en
changeant pourtant de personne.Eh bien, une analyse psychologique scrupuleuse de ces cas montre que /'état
émotif, comme tel, est toujours justifié. La 11116 I, qui a des remords, a de
bonnes raisons ; les femmes de l'observation III qui doutaient de leur résis-
tance contre des tentations savaient bien pourquoi; la fille de l'observation IV,
„qui détestait les servantes, avait bien le droit de se plaindre, etc. Seulement, et
| c'est dans ces deux caractères que consistel'empreinte pathologique : 1) l’état émotif
| 8 681 éternisé, et 2) l'idée associée n'est plus l'idée juste, l'idée originale, en rap-port avec l'étiologie de Vobsession, elle en est un remplaçant, une substitution.
La preuve en est qu’on peut toujours trouver dans les antécédents du malade
à l’origine de l'obsession, l'idée originale, substituée. Les idées substituées ont
des caractéres communs, elles correspondent à des impressions vraiment pénibles
de la vie sexuelle de l'individu que celui-ci s'est efforcé d'oublier. Il a réussi
seulement à remplacer l’idée inconciliable par une autre idée mal appropriée à
s'associer à l'état emotif, qui de son côté est resté le même. C'est cette mésal-
| liance de l'état émotif et de l'idée associée qui rend compte du caractère d'absur-
dité propre aux obsessions. Je veux rapporter mes observations, et donner une
"tentative d'explication théorique comme conclusion.OBS. I. — Une fille qui se faisait des reproches, qu'elle savait absurdes, d'avoir vols, fait
de la fausse monnaie, de s'étre conjurée, etc , selon sa lecture journalière.
ment des ‘opinions voisines de la mienne. Voir : GÉLINEAU, Des peurs maladives ou
“phobies, 1894 et, HACK TUKE, On imperative ideas, Brain, 1894,каје
S.
OBSESSIONS ET PHOBIES 35
- Redressement de la substitution. — Elle se reprochait l'onanisme qu'elle pratiquait en
secret sans pouvoir y renoncer. ;Elle fut guérie par une observation scrupuleuse qui l'empécha de se masturber.
Oss. II. — Jeune homme, étudiant en médecine, qui souffrait d'une obsession analogue.
Tİ se reprochait toutes les actions immorales : d’avoir tué sa cousine, défloré sa sæur,incendié
une maison, etc, Il parvint jusqu’à la nécessité de se retourner dans la rue pour voir s’il
n'avait pas encore tué le dernier passant.Redressement de la substitution. — Il avait lu, dans un livre quasi-médical, que l'ona-
nisme, auquel il était sujet, abimait la morale, et il s'en était ému.OBs. III. — Plusieurs femmes qui se plaignaient de l'obsession de se jeter par la festive,
de blesser leurs enfants avec des couteaux, ciseaux, etc.Redresse ment. — Obsessions de tentations typiques. C'étaient des femmes qui, pas du —
tout satisfaites dans le mariage, se débattaient contre les désirs et les idées 101 0204.
qui les hantaient å la vue d'autres hommes.088. IV, — Une fille qui parfaitement saine Pet et très intelligente montrait une
haine incontrólable contre les servantes de la maison, qui s'6tait éveillée à l’occasion d'une
servante effrontée, et s’était transmise depuis de fille en fille, jusqu’à rendre le ménage impos-
sible. C’était un sentiment mêlé de haine et de dégoût. Elle donnait comme motif que les
saletés de ces filles lui gátaient son idée de l'amour. |Redressement. — Cette fille avait été témoin involontaire dun ve amoureux de
sa mère. Elle s'était caché le visage, bouché les oreilles, et s'était donné la plus grande peine
pour oublier la scène, qui la dégoutait et l'aurait mise dans l'impossibilité de rester avec sa
mère qu’elle aimait tendrement, Elle y réussit, mais la colère, de ce qu’on lui avait souillé
l’image de l'amour, persista en elle, et cet état émotif ne tarda pas à s’associer l’idée d'une
personne pouvant remplacer la mère.Oss. V. — Une jeune fille s'était presque complètement isolée en conséquence de la peur
obsédante de l’incontinence des urines, Elle ne pouvait plus quitter sa chambre ou recevoir
une visite sans avoir uriné nombre de fois.Chez elle et en repos complet la peur n’existait pas.
Redressement. — C'était une obsession de tentation ou de méfiance. Elle ne se méfiait
pas de sa vessie mais de sa résistance contre une impulsion amoureuse, L'origine de l’obses-
sion le montrait bien. Une fois, au théâtre, elle avait senti à la vue d’un homme qui lui
plaisait une envie amoureuse accompagnée {comme toujours dans la pollution spontanée
des femmes) de l’envie d'uriner. Elle fut obligé à quitter le théâtre, et de ce moment elle
était en proie à la peur d’avoir la même sensation, mais l’envie d’uriner s'était substituée à
l’envie amoureuse, Elle guérit complètement.Les observations énumérées, bien qu’elles montrent un degré variable de
complexité, ont ceci de commun, que l’idée originale (inconciliable) est substituée
par une autre idée, idée remplaçante. Dans Tes observations qui vont suivre
maintenant, l’idée originale est aussi remplacée mais non par une autre idée;
elle se trouve substituée par des actes ou impulsions qui ont servi à l'origine
comme soulagements ou procédés protecieurs, et qui maintenant se trouvent en
association grotesque avec un état émotif qui ne leur convient pas mais qui est
resté le méme, et aussi justifié qu'à l'origine.Oss. VI. — Obsession d'arithmomanie. — Une femme avait contracté le besoin de compter
toujours les planches du parquet, les marches de l'escalier, cte. ce qu'elle faisait dans un
- état d'angoisse ridicule.Redressement. — Elle avait commencé à compter pour se distraire de ses idées obsédantes
(de tentation). Elle y avait réussi, mais l'impulsion de compter s'était substituée à l'obses-
sion primitive. | |Oss. УП, — Obsession de a Griibelsucht » (folie de spéculation). Une femme souffrait
d'attaques de cette obsession, qui ne cessaient qu'aux temps de maladie, pour y laisser la
place à des peurs hypochondriaques, Le sujet de l’attaque était ou une partie du corps ouS.
36 REVUE NEUROLOGIQUE”
une fonction, par exemple, la respiration : Pourquoi faut-il respirer? Si je ne voulais
respirer ? etc. |Redressement. — Tout d’abord elle avait souffert de peur de devenir folle, phobie hypo-
chondriaque assez commune chez les femmes non satisfaites par leur mari, comme elle était.
Pour se garantir qu'elle n'allait pas devenir folle, qu'elle jouissait encore de son intelli-
gence, elle avait commencé à se poser des questions, à s'occuper de problèmes sérieux. Cela
la tranquillisait d’abord, mais avec le temps cette habitude de la spéculation se substituait
à la phobie. Depuis plus de quinze ans des périodes de peur (pathophobie) et de folie de
spéculation alternaient chez elle.Oss. VIII. — Folie du doute. — Plusieurs cas, qui montraient les spra pas typiques de
cette obsession, mais qui s'expliquaient bien simplement. Ces personnes avaient souffert ou
souffraient encore d'obsessions diverses, et la conscience que l'obsession les avait dérangées
dans toutes leurs actions et interrompu maintes fois le cours de leurs pensées provoquait le
doute légitime dans la fidélité de leur mémoire. Chacun de nous verra chanceler son assu-
rance et sera obligé de relire une lettre ou de refaire un compte si son attention a été divertie
plusieurs fois pendant l’exécution de l’acte. Le doute est une conséquence bien logique de
la présence des obsessions. ! -Ова. IX. — Folie de doute (hésitation) — La fille de l'obs, IV était devenue extróme-
ment tardive dans toutes les actions de la vie ordinaire, particuliérement dans sa toilette. Il
lui fallait des heures pour nouer les cordons de ses souliers ou pour se nettoyer les ongles
des mains. Elle donnait comme explication qu'elle ne pouvait faire sa toilette ni pendant
que les pensées obsédantes la préoccupaient, niimmédiatement aprés; de sorte qu'elle s'était
accoutumée à attendre un temps déterminé aprés chaque retour de l'idée obsédante.OBS. X. — Folie du doute, crainte des papiers. — Une jeune femme, qui. avait souffert de
scrupules aprés avoir écrit une lettre, et qui dans ce måme temps ramassait tous les papiers
qu'elle voyait, donnait comme explication l'aveu d'un amour que jadis elle ne voulait pas
confesser.A force de se répéter sans cesse le nom de son bien-aimé, elle fut saisie par la peur que
ce nom se serait glissé dans sa plume, qu’elle Vaurait tracé sur queues I bout de papier
dans une minute pensive (1).Oss. XI. — Mysophobie. — Une femme qui se lavait les mains cent fois par jour et 0
touchait les loquets des portes que du coude.Redressement, — C'était le cas de Lady Macbeth. Les lavages étaient — Јов et
destinés à substituer la pureté physique à la pureté morale qu'elle regrettait avoir perdue.
Ellese tourmentait de remords pour une infidélité conjugale dont elle avait décidé de chasser
le souvenir. Elle se lavait aussi les parties génitales.Quant a la theorie de cette substitution, je me contenterai de répondre a trois
questions qui se posent ici : |lo Comment cette substitution peut-elle se faire ?
Il semble qu'elle est l'expression d'une disposition psychique IR Au
moins rencontre-t-on dans les obsessions assez souvent lhérédité similaire,
comme dans l'hystérie. Ainsi le malade de l'obs. II me racontait que son pere
avait souffert de symptômes semblables. Il me fit connaître un jour un
cousin germain avec obsessions et tic convulsif, et la fille de sa sœur, âgée de
11 ans, qui montrait déjà des obsessions (probablement de remords).20 Quel est le motif de cette substitution ? —-
Je crois qu’on peut l’envisager comme un acte de défense (Abwehr) du mot
contre l’idée inconciliable. Parmi mes malades il y en a qui se rappellent
l'effort de la volonté pour chasser l'idée ou le souvenir pénible du rayon de la(1) Voir aussi la chanson populaire allemande :
Auf jedes weisse Blatt Papier môcht'ich es schreiben :
Dein ist mein Herz und soll es ewig, ewig bleiben.S.
OBSESSIONS ET PHOBIES | 37
conscience (V. les obs. III, IV, XIL). En d’autres cas cette expulsion de l'idée
inconciliable s'est produite d'une maniére inconsciente qui n'a pas laissé trace
dans la mémoire des malades. |3» Pourquoi l'état émotif associé à l'idée obsédante s'est-il perpétué, au lieu de
s'évanouir comme les autres états de notre moi?On peut donner cette réponse en s'adressant à la théorie développée pour la
genése des symptómes hystériques par M. Breuer et moi (1). Ici je veux seu-
lement remarquer que, par le fait méme de la substitution, la disparition de l'état
émotif devient impossible.H
A ces deux groupes d'obsessions vraies s'ajoute la classe des « phobies », qu'il
faut considérer maintenant. J'ai déjà mentionné la grande différence des obses-
sions et des phobies ; que dans les dernières l'état émotif est toujours l'anxiété,
la peur. Je pourrais ajouter que les obsessions sont multiples et plus spécialisées,
les phobies plutót monotones et typiques. -Mais ce n’est pas une différence capitale.
On peut discerner aussi parmi les phobies deux groupes, caractérisés par
l’objet de la peur : 1° phobies communes : peur exagérée des choses que tout
le monde abhorre ou craint un peu : la nuit, la solitude, la mort, les maladies,
les dangers en général, les serpents, etc.; 2° phobies d'occasion, peur de
conditions spéciales, qui n'inspirent pas la crainte à l'homme sain, par
exemple l’agoraphobie et les autres phobies de la locomotion. Il est intéressant
à noter que ces dernières phobies ne sont pas obsédantes comme les obsessions
vraies et les phobies communes. L'état émotif ici ne paraît que dans le cas de
ces conditions spéciales que le malade évite soigneusement.Le mécanisme des phobies est tout à fait différent de celui des obsessions. Ge
n’est plus le règne de la substitution. Ici on ne dévoile plus par l'analyse
psychique une idée inconciliable, substituée. On ne trouve jamais autre chose
que l’état émotif anxieux, qui par une sorte d’élection a fait ressortir toutes les
idées propres à devenir l'objet d'une phobie. Dans le cas de l’agoraphobie, etc,
on rencontre souvent le souvenir d'une attaque d’angoisse, et en vérité ce que
redoute le malade c'est l'événement d’une telle attaque dans les conditions
spéciales où il croit ne pouvoir y échapper.L'angoisse de cet état émotif, qui est au fond des phobies, n’est pas dérivé
d’un souvenir quelconque; on doit bien se demander quelle peut être la source
“de cette condition puissante du système nerveux.' Eh bien j'espère pouvoir démontrer une autre fois qu'il y a lieu de constituer
une névrose spéciale, la névrose anxieuse, de laquelle cet état émotif est le
“symptôme principal ; je donnerai l'énumération de ses symptômes variés, et
“jinsisterai en ce qu'il faut différencier cette névrose de la neurasthénie, avec
laquelle elle est maintenant confondue. Ainsi les phobies font part de la névrose
anxieuse, et elles sont presque toujours accompagnées d'autres symptômes de
| lá méme série. | | | |La névrose anzieuse est d'origine sexuelle, elle aussi, autant que je puis voir,
| mais elle ne se rattache pas à des idées tirées de la vie sexuelle : elle n'a pas
de mécanisme psychique, à vrai dire. Son étiologie spécifique est l’accumu-
lation de la tension génésique, provoquée par l'abstinence ou Firritation géné-(1) Neurologisehes Centralblatt, 1893, n°81 und 2.
S.
38 --- REVUE NEUROLOGIQUE
sique fruste (pour donner une formule générale pour Veffet du coit réservé,
de impotence relative du mari, des excitations sans satisfaction des fiancés,
de l'abstinence forcée, ete.).C'est dans de telles conditions extrêmement fréquentes, principalement pour
la femme dans la société actuelle, que se développe la névrose anxieuse, de
laquelle les phobies sont une manifestation psychique. |Je ferai remarquer, comme conclusion, qu’il peut y avoir combinaison de phobie |
et d'obsession propre, et même que c’est un événement très fréquent. On peut
trouver qu'il y avait au commencement de la maladie une phobie développée.
comme symptôme de la névrose anxieuse. L'idée qui constitue la phobie qui s'y
trouve associée à la peur, peut étre substituée par une autre idée ou plutót par
le procédé protecteur qui semblait soulager la peur. L'obs. VI (folie de la
spéculation) présente un bel exemple de cette catégorie, : phobie doublée d'une
obsession eraie par substitution.NOTE DE PSYCHOLOGIE MORBIDE COMPARÉR :
L'IMMOBILITE DU CHEVALPar M. Ch. Féré.
La folie des animaux a été l'objet de travaux déjà nombreux de la part de
Nasse, de Pierquin, de Rodet, de Lindsay, etc., mais il s'en faut que son étude
soit fort avancée. On a décrit des formes très variées. À côté des troubles men-
taux individuels, on a signalé des folies collectives; et les animaux peuvent non
seulement en étre atteints, par l'imitation de leurs semblables, mais aussi par
l'imitation de l'homme quand il cohabite avec lui (1). |Les documents sont encore trop peu nombreux pour gue les guestions les plus
importantes puissent être élucidées ; et même, lorsqu’ ils sont incomplets, ils méri-
tent d'étre enregistrés.J'ai eu occasion d'observer chez un cheval des troubles qui m'ont paru —
culièrement intéressants, parce qu’ils caractérisent un état morbide depuis long-
temps connu des vétérinaires, et analogue à un syndrome qui n'est pas rare
chez l'homme. |Un cheval hongre de six ans, vigoureux, sans hérédité morbide directe, habitué à faire
un service actif de camionnage, fut pris dans les premiers jours de mars 1894 par un ébou-
lement, et renversé, avec la voiture non chargée qu’il traînait, au bas d’un talus de six
mètres environ. On eut beaucoup de peine à le relever ; mais il n’avait ni blessures, ni con-
tusions graves, et pendant les premiers jours qui pr l'aecident il parut n’en avoir
éprouvé aucun mal. Puis on remarqua qu’il devenait graduellement indifférent et apa-
thique, son ceil restait fixe, le regard éteint. Il paraissait ne plus reconnaître ceux qui avaient
l'habitude de l'approcher et de lui donner des soins, et auxquels il donnait auparavant des
signes évidents de mémoire, | | こPendant quelques semaines, on put encore l’atteler régulièrement, mais il fallait sans
cesse l’exciter et il ne se laissait plus diriger à la voix. Il fallait souvent le pousser pour le
faire changer de direction. Peu à peu l’inertie s'accentua; il ne pouvait plus reculer, ou
n'exécutait ce mouvement qu'au prix de violences et en labourant le sol. L’indifférence
augmentant progressivement, l'animal restait la tête appuyée sur le bord de la mangeoire
sans paraître songer à manger ; ou bien la mastication n’était exécutée qu’avec négligence(1) CH. FÉRÉ. La folie communiquée de l'homme aux animaux, Comptes rendus de la
Société de Biologie, 1893, p. 204.S.
ORGANE SPECIAL D'ANALYSES
DES TRAVAUX CONCERNANT LE SYSTEME NERVEUX
ET SES MALADIESDIRIGE PAR
ISSAUD er P. MARIE
, 0 # É a 2
PROFESSEURS AGREGES A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS , ATA _
MEDECINS DES HOPITAUX ·-Secrétaire de la Rédaction : Dr H. LAMY ar
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TOME III — 1895
132.059
PARIS
G. MASSON. EDITEUR120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 120
1895
S.
Leur méchanisme psychique et leur étiologie
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