Résistances a la Psychanalyse 1925-002/1925
  • S.

    RÉSISTANCES A LA PSYCHANALYSE
     

    Le petit enfant, dans les bras de sa garde, qui se
    détourne en criant à la vue d'un visage étranger; le
    croyant qui inaugure par une prière chaque journée
    nouvelle et salue d'une bénédiction les prémices de
    l'année le paysan qui refuse d'acheter une faux dont
    n'usaient pas ses parents; autant de situations dont la
    variété saute aux yeux et auxquelles il paraît légitime
    d'associer des mobiles différents. Il serait pourtant injuste
    de méconnaître leur caractère commun. Dans ces trois
    cas, il s'agit du même malaise: l'enfant l'exprime d'une
    façon élémentaire, le croyant l'apaise ingénieusement, le
    paysan en fait le motif de sa décision. Mais l'origine de ce
    malaise est la dépense psychique que le nouveau exige
    toujours de la vie mentale et l'incertitude, poussée
    jusqu'à l'attente anxieuse, qui l'accompagne. Il y aurait.
    une belle étude à faire sur la réaction de l'âme à la
    nouveauté en soi; car, dans certaines conditions qui ne
    sont déjà plus élémentaires, on constate la réaction
    inverse et une soif du nouveau pour l'amour du nouveau.
     

    Dans le domaine des sciences, il ne devrait y avoir de
    place pour la crainte du nouveau. Eternellement incom-
    plète et insuffisante, la science est portée à chercher son
    salut dans des découvertes et des interprétations nouvelles.
    Elle fait bien d'éviter l'erreur grossière, de s'armer de
    doute, de n'admettre le nouveau qu'après un examen
    sérieux. Mais à l'occasion, ce scepticisme manifeste deux.
    tendances inattendues. Il se dresse âprement contre les.
     

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    LA REVUE JUIVE
     

    innovations, ménageant avec respect ce qui est déjà
    reconnu et éprouvé, et se contente de condamner, même
    sans examen préalable. C'est alors qu'on s'aperçoit qu'il
    n'est qu'un prolongement de cette réaction primitive
    contre la nouveauté, une carapace de protection. L'histoire
    des sciences nous montre assez d'innovations de grande
    valeur qui provoquèrent une résistance intense et opi-
    niâtre dont les événements ont, par la suite, démontré
    l'absurdité. D'une façon générale, la résistance a tenu à
    certains aspects concrets de l'innovation en cause; et
    d'autre part, c'est l'effet total de ces aspects qui a réussi
    à réduire la réaction primitive.
     

    La psychanalyse, que je commençai à développer, il
    y a environ trente ans, en partant des découvertes de
    Joseph Breuer sur l'origine des symptômes nerveux, a été
    singulièrement mal accueillie. Sa nouveauté est incontes-
    table, encore qu'elle ait élaboré quantité de matériaux
    connus, résultats de l'enseignement du grand aliéniste
    Charcot, et des travaux relatifs aux phénomènes hypno-
    tiques. A l'origine, sa portée était exclusivement théra-
    peutique; elle prétendait créer un traitement nouveau et
    efficace des maladies nerveuses. Mais des rapports que
    l'on n'avait pas aperçus tout d'abord lui permirent de
    dépasser de beaucoup son but initial. Elle put enfin pré-
    tendre donner des bases nouvelles à notre conception de
    la vie mentale et, en conséquence, être d'une application
    légitime dans le domaine entier des sciences psycholo-
    giques.
     

    Après dix années de silence, elle devint tout d'un coup
    d'un intérêt général et déchaîna une tempète de réfuta-
    tions indignées.
     

    Nous préférons ne rien dire ici des formes qu'a prises
    cette résistance à la psychanalyse. Qu'il suffise d'observer
    que, bien que la lutte contre cette nouveauté soit loin
    d'être terminée, on en peut déjà prévoir l'issue. Ses
    adversaires n'ont pas réussi à l'étouffer. La psychanalyse,
     

  • S.

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    RÉSISTANCES A LA PSYCHIANALYSE
     

    dont j'étais, il y a vingt ans, le seul praticien, a trouvé
    depuis lors de nombreux partisans, importants, zélés et
    actifs, médecins et non-médecins, qui en font l'application
    thérapeutique dans les maladies nerveuses, la cultivent
    comme méthode d'investigation psychologique et l'utili-
    sent, comme auxiliaire, pour leurs travaux scientifiques
    dans les domaines les plus divers de la vie spirituelle.
    Nous ne considérerons ici que les motifs de la résistance à
    la psychanalyse, ses rapports internes, les différents élé-
    ments qui la composent et leur valeur respective.
     

    L'observation clinique doit rapprocher les névroses des
    intoxications et des affections telles que la maladie de
    Basedow. Ce sont des états qui tiennent à l'excès ou au
    défaut de certaines substances très actives, sécrétées par le
    corps même ou prises de l'extérieur, c'est-à-dire, en défini-
    tive, à des troubles chimiques, à des toxiques. Isoler et
    mettre en évidence la ou les substances hypothétiques,
    caractéristiques des névroses, serait une découverte qui ne
    risquerait pas de susciter l'opposition des médecins. Mais
    rien n'indique que nous soyons sur la voie. Pour le
    moment, nous n'avons de donné que la forme sympto-
    matique de la névrose, qui, dans le cas de l'hystérie, par
    exemple, est constituée par des troubles physiologiques et
    psychiques. Or les expériences de Charcot, comme les
    observations cliniques de Breuer, montrent que même
    les symptômes physiologiques de l'hystérie sont « psycho-
    gènes >>
    »; c'est-à-dire qu'ils sont des précipités de processus
    psychiques écoulés. On se trouverait donc, grâce à l'hyp-
    nose, en mesure de reproduire artificiellement, et en
    quelque sorte arbitrairement, les symptômes somatiques
    de l'hystérie.
     

    La psychanalyse s'empara de cette nouvelle donnée et
    s'appliqua à découvrir la nature de ces processus psychi-
    ques aux conséquences si étonnantes. Mais le sens de
    ces recherches n'était pas au goût des médecins de
    cette génération, formés à n'attacher d'importance qu'à
     

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    LA REVUE JUIVE
     

    l'ordre anatomique, physique ou chimique. Et c'est parce
    qu'ils n'étaient pas préparés à reconnaître l'ordre psychi-
    que qu'ils l'accueillirent avec indifférence ou hostilité. Ils
    doutaient évidemment que le fait psychique soit suscep-
    tible d'un traitement scientifique exact. Réagissant trop
    violemment contre une médecine dominée pour un temps
    par ce que l'on appelait Naturphilosophie, ils taxèrent de
    nébuleuses, fantasques et mystiques les abstractions
    nécessaires au fonctionnement de la psychologie; ils
    refusèrent, en outre, d'ajouter foi aux phénomènes
    étranges dont auraient pu partir les recherches scienti-
    fiques. Pour eux, les symptômes des névroses hystériques
    n'étaient que feintes, les phénomènes hypnotiques, char-
    latanisme. Les psychiâtres eux-mêmes dont l'observation
    s'enrichissait pourtant de phénomènes psychiques les
    plus extraordinaires et les plus étonnants, ne furent pas
    tentés de les analyser en détail ou d'en examiner les
    rapports. Ils se contentèrent de classer la diversité kaléi-
    doscopique des phénomènes pathologiques en s'efforçant
    toujours de les ramener à des causes de troubles d'ordre
    somatique, anatomique ou chimique. Au cours de cette
    période de matérialisme, ou mieux de mécanisme, la
    médecine a accompli des progrès fabuleux, mais elle
    n'a pas laissé de témoigner de son étroitesse, en mécon-
    naissant le plus important et le plus difficile des problèmes
    de la vie.
     

    On comprend bien que cette conception de la vie
    mentale ait empêché les médecins de s'intéresser à la
    psychanalyse, de profiter de l'acquisition de ses nouvelles
    connaissances, et d'envisager les choses sous un autre
    angle. Mais on pouvait croire que cette nouvelle doctrine
    se gagnerait d'autant mieux l'approbation des philosophes.
    N'étaient-ils pas rompus à poser des concepts abstraits
    les malintentionnés diraient des mots mal définis
    au premier plan de leur conception du monde ? Ils ne
    pouvaient donc pas s'offusquer de cet effort de la psycha-
     

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    RÉSISTANCES A LA PSYCHANALYSE
     

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    nalyse qui visait à étendre le domaine de la psychologie.
    Mais là s'éleva un obstacle d'un autre ordre. Par vie
    mentale, les philosophes n'entendaient pas ce qu'entend
    la psychanalyse. La grande majorité des philosophes ne
    qualifie de mental que ce qui est phénomène conscient.
    Le monde du conscient coïncide, pour eux, avec le
    domaine du mental. Et ils relèguent tout ce qu'il y a
    d'obscur dans l'âme au rang des conditions organiques
    et des processus parallèles au plan psychique. En d'autres
    termes, et plus rigoureusement, l'âme n'a de contenu
    que le conscient. La science de l'âme n'a donc pas
    d'autre objet. Le profane ne pense pas autrement.
     

    Aussi, que peut répondre le philosophe à une science
    qui, comme la psychanalyse, soutient que le mental en
    soi est inconscient et que la conscience n'est qu'une qua-
    lité qui peut venir s'ajouter à des actes psychiques isolés.
    Il répond naturellement qu'un phénomène mental incons-
    cient est un non sens, une contradiction in adjecto, et
    néglige de noter que ce jugement ne fait que répéter sa
    définition, peut-être trop étroite, de l'état mental. Cet
    assurance facile, le philosophe la doit à son ignorance
    de la matière dont l'étude a conduit l'analyste à postuler
    l'existence d'actes psychiques inconscients. Il n'a pas
    envisagé l'hypnose, il ne s'est pas efforcé d'interpréter le
    rêve bien plus, il trouve, comme le médecin, que
    le rêve est un produit, dénué de sens, de l'activité
    psychique amoindrie pendant le sommeil -; il soupçonne
    à peine qu'il existe des choses comme les idées fixes
    et chimériques, et serait bien embarrassé si l'on attendait
    de lui qu'il les expliquât selon ses hypothèses psycholo-
    giques. L'analyste, lui aussi, se refuse à définir l'incons-
    cient, mais il peut mettre en évidence le groupe de
    phénomènes dont l'observation lui a fait postuler l'exis-
    tence de cet inconscient. Le philosophe, pour qui
    n'existe de méthode d'observation que l'introspection,
    ne saurait le suivre jusque-là. D'où, la fausse position de
     

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    LA REVUE JUIVE
     

    la psychanalyse, à mi-chemin entre la médecine et la
    philosophie. Le médecin la tient pour un système spécu-
    latif et se refuse à croire qu'elle repose, comme toutes les
    sciences naturelles, sur l'élaboration patiente et assidue
    des données de l'observation sensible; le philosophe, qui
    l'apprécie selon la norme des systèmes ingénieux qu'il
    s'est construits lui-même, lui reproche de partir de pos-
    tulats impossibles; et à ses conceptions premières
    commencent à peine à se développer
    clarté et de précision.
     

    qui
     

    de manquer de
     

    Tout cela suffit à expliquer que, dans les cercles scien-
    tifiques, on accueille la psychanalyse avec malveillance
    ou avec des hésitations. Mais cela ne nous fait pas
    comprendre les éclats d'indignation, de raillerie et de
    mépris, l'oubli de toutes les règles de la logique et du
    goût dans la polémique. Pareille réaction nous fait
    supposer que la psychanalyse n'a pas mis en jeu que
    des résistances intellectuelles, mais aussi des forces affec-
    tives. Et à vrai dire, le contenu de cette science justifie
    semblable effet sur les passions de tous les êtres humains,
    et non seulement des savants.
     

    Et avant tout, la grande importance, dans la vie men-
    tale de l'homme, qu'attribue la psychanalyse à ce qu'on
    appelle l'instinct sexuel. Selon la théorie psychanalytique,
    les symptômes des névroses sont des satisfactions compen-
    satrices déformées de forces instinctives sexuelles dont la
    libération directe a été empêchée par des résistances
    intérieures. Et quand l'analyse, dépassant ses limites
    initiales, fut à même de s'appliquer à la vie psychique
    normale, elle entreprit de démontrer que ces éléments
    sexuels, quand ils sont détournés de leurs fins immédiates
    et dirigés vers d'autres buts, jouent un rôle capital dans
    la genèse de l'action individuelle et collective. Ces asser-
    tions n'étaient pas entièrement neuves. Schopenhauer
    avait insisté, en des termes d'une vigueur inoubliable,
    sur l'importance incomparable de la vie sexuelle. Et il
     

  • S.

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    RÉSISTANCES A LA PSYCHANALYSE
     

    apparaissait ainsi que ce que la psychanalyse appelle
    sexualité n'est aucunement identique à l'impulsion qui
    rapproche les sexes et tend à produire la volupté dans les
    parties génitales, mais plutôt à ce qu'exprime le terme
    général et compréhensif d'Eros, dans le Banquet de Pla-
    ton. Mais l'opposition négligea ces illustres précurseurs et
    s'attaqua à la psychanalyse comme si elle avait attenté à
    à la dignité humaine. On lui reprocha son « pansexua-
    lisme »>, bien que
    l'étude psychanalytique des instincts
    eût toujours été rigoureusement dualiste et n'eût jamais
    manqué de reconnaître, à côté des appétits sexuels,
    d'autres mobiles assez puissants pour opérer le refoule-
    ment de l'instinct sexuel. Ce dualisme de l'« instinct du
    sexe » et de l'« instinct du moi » devint, quand la théorie
    eût évolué, le dualisme de l' « Eros » et de l' << instinct de
    mort», ou « de destruction ». Dans cette interprétation
    partielle de l'Art, de la religion et de l'ordre social en
    fonction des activités de l'instinct sexuel, on ne se plut à
    voir qu'une volonté de rabaisser les plus hautes acquisi-
    tions de la civilisation et on proclama emphatiquement
    que l'homme n'a pas que des mobiles purement sexuels.
    En quoi on s'empressait de méconnaître qu'il en est de
    même des animaux (qui ne sont soumis à la sexualité
    que par accès, à certaines époques, et non de façon per-
    manente comme l'homme), que l'on n'avait jamais songé
    à contester l'existence de ces autres mobiles humains et
    que, s'ils proviennent d'impulsions animales élémen-
    taires, la preuve de cette origine ne change en rien la
    valeur des acquisitions humaines.
     

    Parei esprit d'illogisme et d'injustice demande une
    explication. Son origine n'est pas douteuse. Les deux bases
    de la culture humaine sont la maîtrise des forces natu-
    relles et la répression de nos instincts. Le trône de la sou-
    veraine est supporté par des esclaves enchaînés : parmi ces
    éléments instinctifs domestiqués, les impulsions sexuelles,
    au sens étroit, dominent par force et par violence. Qu'on
     

  • S.

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    LA REVUE JUIVE
     

    leur ôte leurs chaînes, et le trône est renversé, la souveraine
    foulée aux pieds. La société le sait et ne veut pas qu'on
    en parle.
     

    Mais pourquoi ce silence? En quoi la discussion pour-
    rait-elle nuire ? La psychanalyse n'a jamais parlé de
    déchaîner ceux de nos instincts qui seraient néfastes à la
    communauté; au contraire, elle a donné l'alarme et offert
    ses conseils. Mais la société ne veut pas entendre parler
    de la découverte de ces rapports, parce qu'à beaucoup
    d'égards elle n'a pas la conscience tranquille.
     

    Elle a commencé par se poser un idéal de haute mora-
    lité, la moralité étant la répression des instincts, et a
    exigé de tous ses membres qu'ils réalisent cet idéal,
    sans s'inquiéter de ce que cette obéissance peut coûter
    aux individus. Mais elle n'est ni assez riche, ni assez bien
    organisée pour pouvoir leur offrir un dédommagement
    proportionné à leur renonciation. L'individu est donc
    poussé à trouver un moyen de se procurer une compen-
    sation suffisante et qui lui permette de conserver son
    équilibre psychique. Mais en général, il est contraint à
    vivre psychologiquement au delà de ses moyens, tandis
    que ses besoins instinctifs, non satisfaits, subissent la
    pression constante des exigences de la civilisation. C'est
    ainsi que la civilisation entretient un état d'hypocrisie
    qui s'accompagne forcément d'un sentiment d'incerti-
    tude et du besoin de protéger son indéniable instabi-
    lité par l'interdiction de toute critique et de toute discus-
    sion. Et cela est vrai de tous les mouvements instinctifs,
    c'est-à-dire également des instincts égoïstes. Pour ce
    qui est de savoir s'il en est de même
    et dans quelle
    mesure dans toutes les civilisations possibles, et jus-
    qu'à celles qui ne se sont pas encore développées, nous
    ne pouvons nous en occuper ici. Quant aux impul-
    sions sexuelles proprement dites, elles sont chez la plu-
    part des hommes incomplètement et, psychologique-
    ment parlant, incorrectement réprimées, de telle sorte
     

  • S.

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    RÉSISTANCES A LA PSYCHANALYSE
     

    qu'elles sont toutes prêtes à se déchaîner les premières.
    La psychanalyse révèle les faiblesses de ce système et
    en recommande l'abandon. Elle tient qu'il faut ôter de
    sa rigueur au refoulement de l'instinct et donner, pour
    cela, plus de place à la véracité. Certaines impulsions
    instinctives que la société a trop violemment réprimées
    doivent obtenir une plus grande satisfaction; pour
    d'autres, la répression par «refoulement », méthode
    hasardeuse, doit être remplacée par un procédé meilleur
    et plus précis. Pour avoir formulé ces critiques, la
    psychanalyse, « ennemie de la civilisation », a été bannie
    comme danger public. Mais cette résistance ne peut
    durer; à la longue, aucune institution humaine ne peut
    se soustraire à l'influence d'un examen critique justifié ;
    mais jusqu'à présent, l'attitude des savants à l'égard de
    la psychanalyse est encore dominée par une crainte qui
    déchaîne les passions et abolit toute possibilité d'argu-
    mentation logique.
     

    Par sa doctrine de l'instinct, la psychanalyse a heurté
    l'individu en tant qu'il se sent membre de la commu-
    nauté sociale. Un autre aspect de cette théorie a pu le
    blesser. La psychanalyse a enterré la fiction de l'enfance
    asexuelle. Elle a prouvé que les mobiles et les manifes-
    tations sexuels existent chez les enfants dès le début de
    la vie; elle a montré les changements qu'ils subissent,
    comment ils sont enrayés vers la cinquième année, et
    comment, à partir de la puberté, ils entrent au service
    des fonctions de reproduction. Elle a reconnu que
    l'apogée de la vie sexuelle infantile élémentaire est ce
    qu'elle a appelé le Complexe d'Oedipe, rapport affectif avec
    le parent de sexe opposé et rivalité contre l'autre ; ten-
    dance qui, à ce moment de l'existence, s'exprime directe-
    ment et sans entraves par un désir sexuel. Ceci est si facile
    à établir qu'il a vraiment fallu un grand effort pour ne
    le point reconnaître. En fait, tout individu a connu
    cette phase, mais l'a activement refoulée. L'horreur de
     

    15
     

  • S.

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    LA REVUE JUIVE
     

    l'inceste et un sentiment puissant du péché survivent à
    cette période primaire. Peut-être en a-t-il été de même
    dans le passé de l'espèce humaine, et les débuts de la
    moralité, de la religion et de l'ordre social sont-ils inti-
    mement liés à la défaite de cette phase primitive. Il
    n'aurait pas fallu rappeler à l'adulte ces antécédents qui,
    par la suite, lui apparaissent honteux. Il s'est mis à
    trépigner de rage, si j'ose dire, lorsque l'analyse a voulu
    lever le voile d'amnésie de ses années d'enfance. Il ne
    restait plus qu'une échappatoire les prétentions de la
    psychanalyse devaient être injustifiées, et ce qui se donnait
    pour une science nouvelle, un tissu de fantasmagories et
    de fausses interprétations.
     

    :
     

    Les fortes résistances à la psychanalyse n'étaient donc
    pas de nature intellectuelle, mais d'origine affective.
    Cela explique leur caractère passionné et l'insuffisance
    de leur logique. Le cas se présente ainsi : En collectivité,
    l'homme se comporte, à l'égard de la psychanalyse, exac-
    tement comme le névrosé en traitement, auquel, par
    suite d'un travail patient, on a pu démontrer que tout
    s'est passé ainsi qu'on le prévoyait. Mais cette précision
    est le résultat de recherches entreprises sur d'autres
    névrosés, au cours de quelques décades de labeur. Cet
    état de choses est à la fois effrayant et rassurant. C'est une
    lourde tâche que d'avoir pour patient le genre humain
    tout entier. Mais en fin de compte, tout s'est déroulé
    selon les prévisions de la psychanalyse.
     

    A récapituler notre liste des résistances à la psychana-
    lyse, on doit avouer qu'il en est bien peu qui correspon-
    dent à celles que rencontrent d'ordinaire la plupart des
    innovations scientifiques de quelque importance; elles
    tiennent, pour la plupart, au contenu de la doctrine, qui
    heurte des sentiments humains puissants. Il en a été de
    même pour la théorie darwinienne de la descendance,
    qui a abattu le mur d'orgueil séparant l'homme de l'ani-
    mal. J'ai déjà esquissé cette analogie dans une brève
     

  • S.

    15 mars 1925
     

    1 année n° 2
     

    LA
     

    REVUE JUIVE
     

    DIRECTEUR ALBERT COHEN
     

    SOUS LE DÔME
    PRO PSALMIS
     

    WALDO FRANK
    LOUIS MASSIGNON
    ANDRE SPIRE
    HENRI FRANCK
     

    HENRI FRANCK
    LETTRES
     

    RÉSISTANCES A LA PSYCHANALYSE
     

    SIGMUND FREUD
     

    L'UNIVERSITÉ BÉBRAÏQUE
     

    Messages
     

    LÉON BLUM – CHARLES, GIDE
     

    EDOUARD HERRIOT
     

    PAUL PAINLEVÉ ALBERT THOMAS
     

    Chroniques
     

    DEUX ŒUVRES DE PERETZ,
    pur Hans Kokn
     

    LETTRES VIDISCH :
     

    ISRAEL ET LES NATIONS: LA FRANCE ET LE SIONISME
     

    Notes. L. Charles-Baudouin : Jérémie, par Stéfan Zweig. -
    Jean Hertz: A travers la nuit, par Rose Cohen. - Hans Kohn:
    Up Stream, par Ludwig Lewisohn.- Roger Lévy: Noémi, par Lily
    Jean-Laval.-Jean de Menasce: Apologia dell' Ebraismo, par Dante
    Lattes. Die politische Idee des Judentums, par Hans Kohn. -
    Ludmila Savitzky: La Kabbale, par Paul Vailland. - Les Juifs et
    la vie économique, par Werner Sombart.
     

    Documents. 1. Informations. - II. Le mouvement sioniste.
    -
    III. Les livres. - IV. Les retues.-F. La presse.
     

    Librairie Gallimard
     

    ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
    3, rue de Grenelle, Paris (VI)
     

    Le Numéro: France: 5 fr. Étranger: 5 fr. 75